Compte rendu de la table ronde : « Le réemploi on s’y met tous ? »

Date et lieu :

Le 17 juillet 2024, au Festival d’Avignon, Maison des professionnels

Intervenant-es :

  • Gaëlle Kikteff, Consultante, cheffe de projet et formatrice en Économie circulaire et Design circulaire (Animatrice) ;
  • Charlène Legendre-Dronne, Co-présidente de l’association Le Ressac ;
  • Thibault Sinay, Président de l’UDS ;
  • Philippe Quesne, Metteur en scène et scénographe ;
  • Andréa Warzee, Scénographe, cofondatrice de la matériauthèque de Lyon ;
  • Caroline Boulay, Directrice technique de l’Opéra National de Bordeaux ;
  • Michaël Petit, Directeur technique du Festival d’Avignon ;
  • Frédéric Lyonnet, Directeur technique adjoint du Festival d’Aix-en-Provence.

Jean-Rémi Baudonne, président de Réditec, remercie dans un premier temps les intervenant-es, notamment l’ISTS et David Bourbonnaud et rappelle que l’association Réditec fête ses 18 ans et compte aujourd’hui 380 membres.

Il a ensuite ouvert la table ronde en reprécisant les objectifs de l’après-midi :

« Aujourd’hui, nous allons parler d’économie circulaire qui est un sujet qui n’a pas été beaucoup abordé pendant la session électorale que nous venons de vivre ou subir et nous trouvons cela assez surprenant parce que c’était un sujet très important aujourd’hui un peu obéré par la classe politique. Pour rappeler rapidement, il faut contextualiser un peu ce qu’est l’économie circulaire. Nous devons passer d’un modèle économique linéaire à un modèle circulaire, où l’accent est mis sur le réemploi, la réparation et la réutilisation des matériaux pour minimiser les déchets. »

Objectifs de la table ronde :

Faire un état des lieux du réemploi dans le secteur du spectacle et discuter des pratiques exemplaires et des défis rencontrés ; pour ce faire la table ronde a été divisée en deux temps :

1 – Le réemploi dans la création artistique ;

2 – Regards croisés sur le réemploi en direction technique.

Le réemploi dans la création artistique

Regards croisés sur le réemploi

en direction technique

Philippe Quesne (Metteur en scène et scénographe)

Éducation et pratiques : formé aux arts décoratifs de Paris, il a appris à créer à partir de peu, une approche qui a influencé ses pratiques professionnelles.

Durabilité et mobilité : ses productions visent à être durables et tournables, intégrant des matériaux réutilisés. Par exemple, il a travaillé avec des matériaux locaux lors de tournées internationales pour minimiser les coûts et l’impact environnemental. Il travaille également à défendre des spectacles ayant une plus longue espérance de vie

Direction de théâtre : en tant que directeur du théâtre Nanterre-Amandiers, il a cherché à rénover et à rendre le théâtre plus écologique, malgré les défis politiques et financiers.

Exemple de réemploi : sauvetage d’une tournette motorisée destinée à la benne, réutilisée pour plusieurs spectacles.

Andréa Warzee, (scénographe en début de carrière)

Matériauthèque : Co-fondatrice de la matériauthèque du Grenier à Lyon, un espace mutualisé pour stocker et réutiliser des matériaux de décor.

Créativité et réemploi : utilise des matériaux de récupération pour ses créations, considérant cela comme un vecteur de créativité plutôt qu’une contrainte. Elle travaille souvent avec des compagnies émergentes et intègre le réemploi dès la phase de conception.

Thibault Sinay (Scénographe et président de l’UDS)

Éco-conception : Il met en œuvre des stratégies d’économie circulaire dans ses productions. Il insiste sur la nécessité d’une approche méthodologique impliquant tous les acteurs de la chaîne de production.

Il met en avant la nécessité d’une temporalité différente, de la nécessité d’organiser une nouvelle méthodologie.

Exemples de stratégies : conception de scénographies modulaires et adaptables, réduction des chutes dès la phase de conception et dialogue étroit avec les directions techniques.

Projets en cours : utilisation de matériaux réemployés dans un opéra sur le climat avec 17 changements de décor et scénographie d’un théâtre mobile où chaque élément peut être transporté par un comédien.

Charlène Legendre-Dronne (Directrice de la Réserve des Arts et co-présidente du Ressac)

Ressourcerie culturelle : La Réserve des Arts collecte, valorise et remet en circulation des matériaux de scénographie. L’objectif est de fonctionner comme une plateforme logistique pour la circularité des matériaux.

Problématiques et solutions : confrontée aux exigences de sécurité et de certification des matériaux réemployés, l’association travaille sur des projets où des matériaux récupérés sont intégrés dès la conception. Pour elle il faut également former à ces nouveaux enjeux et cette nouvelle façon de fonctionner. Il faut accompagner, et ce dès le début de la conception d’un spectacle. Il faut revoir les méthodes de travail pour tous les acteurs du spectacle.

Rôle du Ressac : Fédérer les ressourceries artistiques et culturelles en France, et accompagner l’émergence de nouvelles structures de réemploi.

Conclusion de la première partie :

Ce que l’on produit aujourd’hui ne doit pas avoir comme solution la recyclerie qui peut être vue comme une poubelle « verte ». Il faut construire un gisement pour d’autres vies et d’autres productions.

Mais tout ne peut pas être revalorisé, car ce qui a été produit n’a pas été pensé pour l’être. Il faut donc travailler à présent dans ce sens. Et un des premiers freins est le stockage. Peut être faut-il créer un « lieu » plateforme qui accompagne sur chaque lieu et territoire cette transition.

Michaël Petit sur le stockage au Festival d’Avignon

Michaël Petit explique que le stockage est une question cruciale au Festival d’Avignon, avec plusieurs projets en cours pour trouver des espaces de stockage plus grands. Le festival explore aussi la possibilité de mutualiser des espaces avec d’autres institutions, bien que cela soit souvent compliqué par des problèmes institutionnels et logistiques.

Caroline Boulay sur les défis du stockage à l’Opéra de Bordeaux

Caroline décrit les difficultés rencontrées à Bordeaux, où les lieux de stockage sont souvent endommagés ou inadéquats, entraînant la détérioration des décors et accessoires. Elle souligne le coût élevé de la location des espaces de stockage et la nécessité de faire des économies, ce qui a conduit à la perte de nombreux accessoires. Elle insiste sur le besoin d’organiser et d’inventorier les éléments de stockage pour pouvoir les réemployer efficacement. Un besoin de personnel, de temps et d’argent pour organiser ce réemploi.

Frédéric Lyonnet sur la gestion des décors au Festival d’Aix-en-Provence

Frédéric Lyonnet explique qu’au Festival d’Aix, les décors sont principalement conservés pour des coproductions à long terme. Cependant, le coût du stockage est devenu un problème majeur par conséquent le festival a commencé à inclure le partage des coûts de stockage dans les contrats de coproduction. Il mentionne également la difficulté de trouver des espaces de stockage à faible coût en dehors des centres logistiques principaux.

Caroline Boulay sur la stratégie « zéro achat »

Caroline détaille la stratégie de l’Opéra de Bordeaux pour réduire les coûts en réemployant des éléments existants. Elle décrit cette approche comme une « vraie galère » sur le plan technique, car les matériaux n’ont pas été conçus pour être réutilisés. Cependant, elle souligne la fierté de son équipe de réaliser des productions de qualité avec des budgets très limités, malgré les défis quotidiens que cela implique.

Frédéric Lyonnet sur les structures standards

Frédéric parle du projet de structures standards développé par le collectif 17h25, visant à créer des éléments de décor réutilisables. Il décrit les défis logistiques et économiques de la mise en œuvre de ce projet, ainsi que l’importance de la coordination entre les différentes maisons impliquées. Le projet cherche à réduire les coûts et l’impact environnemental en standardisant les éléments de décor. (CF. PJ)

Michaël Petit sur l’importance du réemploi

Michael partage son expérience au Festival d’Avignon, où le réemploi est devenu une pratique courante. Il souligne que cette approche doit être intégrée dès la conception artistique pour être efficace. Michael insiste également sur la nécessité d’une réflexion systémique et d’une collaboration entre les différentes institutions culturelles pour maximiser l’impact du réemploi.

Caroline Boulay sur l’engagement et les défis du réemploi

Caroline conclut en soulignant la satisfaction et la fierté de son équipe à Bordeaux de participer à des projets de réemploi, malgré les difficultés. Elle évoque la nécessité de soutien institutionnel et de la mutualisation des ressources pour rendre ces pratiques plus viables à long terme.

 

Conclusion de la deuxième partie

La table ronde se termine par une discussion sur l’importance du soutien politique et institutionnel pour faciliter les pratiques de réemploi. Les intervenants soulignent que, bien que le réemploi présente des défis, il offre également des opportunités de créativité et de collaboration au sein des institutions culturelles.

Questions du Public

Les questions du public portent sur des sujets variés, notamment l’initiative de fret ferroviaire pour le transport des décors, la mutualisation des espaces de stockage et l’idée de développer une application nationale pour la mise en commun des matériaux. Les intervenant-es répondent en partageant leurs expériences et en soulignant l’importance de la collaboration et de l’innovation pour surmonter les défis du réemploi.

 

Conclusion générale

La table ronde a permis de souligner les initiatives et stratégies mises en œuvre pour promouvoir l’économie circulaire et le réemploi dans le secteur du spectacle vivant et de l’événementiel. Les discussions ont mis en lumière les avantages mais aussi les défis du réemploi, notamment en termes de stockage, de sécurité et de coordination.

Débats et perspectives

  • Stockage des matériaux : le stockage reste un défi majeur. Des solutions comme l’utilisation de semi-remorques ont été évoquées, ainsi que la nécessité de lieux de stockage mutualisés et de qualité ;
  • Nouveaux métiers et formation : les participant-es ont souligné le besoin de nouveaux métiers et de formations adaptées pour accompagner la transition vers une économie circulaire ;
  • Dialogue et méthodologie : l’importance du dialogue entre les différents acteurs (scénographes, metteurs en scène, directions techniques, production) a été mise en avant, ainsi que la nécessité de revoir les méthodologies de travail ;
  • Politiques publiques : la nécessité d’un soutien plus fort des pouvoirs publics pour les initiatives de réemploi a été discutée, avec des exemples de réussites et de défis actuels.

 

Vous pourrez retrouver l’intégralité de la table ronde début septembre en podcast en partenariat avec l’ISTS et la revue AS. Nous la diffuserons dans notre newsletter de septembre.